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Recommandation (UE) 2015/914 de la Commission du 8 juin 2015 concernant un programme européen de réinstallation

13.6.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 148/32


 

 

RECOMMANDATION (UE) 2015/914 DE LA COMMISSION

du 8 juin 2015

concernant un programme européen de réinstallation

 

 

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 292, quatrième phrase,

considérant ce qui suit:

(1)

Lors de sa session extraordinaire du 23 avril 2015, le Conseil européen a rappelé la gravité de la situation en Méditerranée et s'est déclaré déterminé à ce que l'Union mette en Å“uvre tous les moyens dont elle dispose pour éviter toute nouvelle perte de vies humaines en mer et s'attaquer aux causes profondes de la détresse humaine. Il s'est, en outre, engagé à mettre en place un premier projet pilote volontaire en matière de réinstallation dans toute l'Union européenne, proposant des places à des personnes ayant droit à une protection (1).

(2)

Dans sa résolution du 29 avril 2015, le Parlement européen a demandé aux États membres d'augmenter leur contribution aux programmes de réinstallation et a souligné la nécessité de garantir un accès sûr et légal au régime d'asile européen (2).

(3)

Il existe actuellement un déséquilibre flagrant entre les États membres en ce qui concerne l'engagement de réinstaller des personnes: seuls quinze États membres et trois États associés disposent d'un programme de réinstallation (plus un autre État membre qui a annoncé le démarrage d'un tel programme), trois États membres et un État associé ont procédé à des réinstallations ponctuelles, tandis que les autres ne prennent aucune part à la réinstallation.

(4)

En 2014, le nombre des demandeurs d'asile dans l'Union a atteint un pic de 626 000 demandes, alors que seulement 6 380 ressortissants de pays tiers ayant besoin d'une protection internationale ont été réinstallés dans l'Union (3). En 2013, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre de réfugiés, de demandeurs d'asile et de personnes déplacées dans leur propre pays avait dépassé 50 millions de personnes à l'échelle mondiale (4).

(5)

Les conclusions du Conseil «Justice et affaires intérieures» du 10 octobre 2014 reconnaissaient que «[…] [t]out en tenant compte de l'action menée par les États membres touchés par les flux migratoires, tous les États membres devraient apporter leur contribution à [la réinstallation] d'une manière équitable et équilibrée» (5).

(6)

Le 13 mai 2015, la Commission a présenté un agenda européen global en matière de migration (6) qui, entre autres, définit une série de mesures immédiates spécialement conçues pour faire face à la tragédie humaine qui a lieu dans toute la Méditerranée.

(7)

Afin d'éviter aux personnes déplacées ayant besoin d'une protection d'avoir à recourir aux réseaux criminels de passeurs et de trafiquants d'êtres humains, cet agenda invite l'Union européenne à intensifier ses efforts de réinstallation. En conséquence, la Commission soumet aujourd'hui la présente recommandation qui propose un programme de réinstallation à l'échelle de l'Union, pour offrir 20 000 places selon une clé de répartition.

(8)

Si des États associés décidaient de participer audit programme, cette clé de répartition et le nombre de personnes attribué à chaque État membre et chaque État associé participant seraient adaptés en conséquence.

(9)

Compte tenu des discussions qui ont eu lieu lors d'une réunion spéciale du Forum sur la réinstallation et la relocalisation, le 25 novembre 2014, la clé de répartition devrait reposer sur a) la taille de la population (pondération: 40 %), b) le PIB total (40 %), c) le nombre moyen de demandes d'asile spontanées et le nombre de réfugiés réinstallés par million d'habitants au cours de la période 2010-2014 (10 %), et d) le taux de chômage (10 %).

(10)

Au total, 20 000 personnes devraient être admises dans l'Union pendant les deux années d'application de ce programme par les États membres. L'accueil de ces personnes devrait incomber exclusivement aux États participants, dans le respect du droit de l'Union et du droit international applicables. Il serait ainsi répondu à l'appel lancé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui a exhorté les pays européens à s'engager plus largement à recevoir des réfugiés dans le cadre de programmes de réinstallation durables, faisant ainsi sienne la campagne menée par l'Organisation internationale pour les migrations et par cinq organisations non gouvernementales.

(11)

Pour définir les régions prioritaires, il convient de tenir compte de la situation dans les pays voisins et des flux migratoires actuels, et en particulier du lien avec les programmes régionaux de développement et de protection qui sont en cours au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la Corne de l'Afrique.

(12)

L'expérience et l'expertise du HCR et d'autres organismes concernés, notamment le Bureau européen d'appui en matière d'asile, devraient être mises à profit dans la mise en œuvre du programme de réinstallation.

(13)

Il y a lieu de prendre des mesures pour éviter les mouvements secondaires de personnes réinstallées, entre l'État de réinstallation et d'autres États membres ou États associés participants.

(14)

La Commission envisage de contribuer au programme en mettant à disposition 50 millions d'EUR supplémentaires en 2015 et 2016, au titre du programme de réinstallation de l'Union visé à l'article 17 du règlement (UE) no 516/2014 du Parlement européen et du Conseil (7). Afin d'optimiser le recours aux incitations financières, la Commission ajustera, par un acte délégué, les sommes forfaitaires et les priorités de réinstallation prévues dans ce programme, conformément à l'article 17, paragraphes 4 et 10, du règlement (UE) no 516/2014. Si les États associés décidaient de participer au programme de réinstallation, ils ne pourraient bénéficier de sommes forfaitaires au titre dudit règlement en compensation de leur engagement,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

PROGRAMME EUROPÉEN DE RÉINSTALLATION

 

1.

La Commission recommande que les États membres réinstallent 20 000 personnes ayant besoin d'une protection internationale, sur la base des conditions et de la clé de répartition définies dans la présente recommandation.

DÉFINITION ET PORTÉE DU PROGRAMME DE RÉINSTALLATION

 

2.

La «réinstallation» désigne le transfert de personnes déplacées ayant manifestement besoin d'une protection internationale, d'un pays tiers vers un État membre, aux fins d'accorder à ces personnes une protection contre le refoulement, une admission, un droit de séjour et tous autres droits comparables à ceux octroyés au bénéficiaire d'une protection internationale, à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et en accord avec l'État membre.

 

3.

Il convient que le programme européen de réinstallation s'applique à tous les États membres.

CONTENU DU PROGRAMME DE RÉINSTALLATION

 

4.

Le programme devrait prendre la forme d'un engagement européen unique portant sur 20 000 places destinées à la réinstallation de personnes. La durée du programme devrait être de deux ans à compter de la date d'adoption de la recommandation.

 

5.

Le nombre global de places promises devrait être attribué aux États membres selon la clé de répartition décrite en annexe. Si des États associés décidaient de participer au programme, cette clé de répartition serait adaptée en conséquence.

 

6.

Parmi les régions prioritaires en matière de réinstallation devraient figurer notamment l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et la Corne de l'Afrique, et en particulier les pays dans lesquels les programmes régionaux de développement et de protection sont mis en œuvre.

 

7.

Chaque décision d'admission, après les contrôles médicaux et de sécurité appropriés, devrait continuer à appartenir aux États membres et aux États associés participants, tandis que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés devrait être chargé d'évaluer les candidats en vue de leur réinstallation dans les régions prioritaires et de soumettre des propositions de réinstallation aux États membres et aux États associés participants.

 

8.

Lorsqu'une personne réinstallée est admise sur le territoire d'un État membre ou d'un État associé participant, il convient que cet État applique une procédure formelle de protection internationale, comprenant le relevé des empreintes digitales, rapidement et dans le respect de la législation en vigueur, en particulier le règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil (8), la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil (9), la directive 2005/85/CE du Conseil (10), la directive 2003/9/CE du Conseil (11) et, à partir du 20 juillet 2015, les directives 2013/32/UE (12) et 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil (13).

 

9.

Après cette procédure, si un État membre octroie une protection internationale ou un statut de protection national à une personne réinstallée, celle-ci devrait jouir, dans l'État membre de réinstallation, des droits garantis aux bénéficiaires d'une protection internationale par la directive 2011/95/UE ou de droits similaires garantis par le droit interne. Dans ce contexte, la libre circulation au sein de l'Union devrait être soumise aux mêmes conditions et restrictions que celles applicables aux autres ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans les États membres. Pour les États associés participants, une législation nationale équivalente devrait s'appliquer.

 

10.

Il convient d'informer les candidats à la réinstallation des droits et obligations que leur confèrent le programme de réinstallation ainsi que les législations de l'Union et des États membres en matière d'asile, et ce avant leur admission sur le territoire des États membres ou des États associés participants, notamment des conséquences des déplacements ultérieurs au sein de l'Union et/ou des États associés participants, et du fait qu'ils ne bénéficieront, dans l'État de réinstallation, que des droits attachés à la protection internationale ou au statut de protection national.

 

11.

Les personnes qui entrent sans autorisation sur le territoire d'un État membre ou d'un État associé participant autre que l'État de réinstallation, en attendant l'achèvement de la procédure formelle de protection internationale ou après l'octroi d'une telle protection, devraient être renvoyées dans l'État de réinstallation, conformément aux dispositions du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil (14) et de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil (15).

 

12.

La participation concrète du Bureau européen d'appui en matière d'asile à la mise en œuvre du programme devrait être obtenue, notamment pour qu'il assiste tout spécialement les États membres et les États associés participants, en particulier ceux qui n'ont aucune expérience de la réinstallation. Il convient que le Bureau surveille la mise en œuvre du programme et en rende régulièrement compte.

 

13.

Les États membres devraient pouvoir recevoir une dotation financière proportionnelle au nombre de personnes réinstallées sur leur territoire, correspondant aux sommes forfaitaires visées à l'article 17 du règlement (UE) no 516/2014, ajustées par le règlement délégué (UE) no xxx/2015 de la Commission (16).

DESTINATAIRES

 

14.

Les États membres sont destinataires de la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 8 juin 2015.

Par la Commission

Dimitris AVRAMOPOULOS

Membre de la Commission


(1)  Point 3 q) de la déclaration du Conseil européen du 23 avril 2015, EUCO 18/15.

(2)  Points 8 et 10 de la résolution du Parlement européen du 29 avril 2015, 2015/2660(RSP).

(3)  

Source: Eurostat.

(4)  

Source: Rapport global 2013, UNHCR.

(5)  Conclusions du Conseil sur le thème «Prendre des mesures en vue de mieux gérer les flux migratoires», réunion du Conseil «Justice et affaires intérieures» du 10 octobre 2014.

(6)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions â€” Un agenda européen en matière de migration, 13 mai 2015, COM(2015) 240 final.

(7)  Règlement (UE) no 516/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 portant création du Fonds «Asile, migration et intégration», modifiant la décision 2008/381/CE du Conseil et abrogeant les décisions no 573/2007/CE et no 575/2007/CE du Parlement européen et du Conseil et la décision 2007/435/CE du Conseil (JO L 150 du 20.5.2014, p. 168).

(8)  Règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (JO L 180 du 29.6.2013, p. 1).

(9)  Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO L 337 du 20.12.2011, p. 9).

(10)  Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326 du 13.12.2005, p. 13).

(11)  Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres (JO L 31 du 6.2.2003, p. 18).

(12)  Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (JO L 180 du 29.6.2013, p. 60).

(13)  Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (JO L 180 du 29.6.2013, p. 96).

(14)  Règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO L 180 du 29.6.2013, p. 31).

(15)  Article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO L 348 du 24.12.2008, p. 98).

(16)  N'a pas encore été présenté.


ANNEXE

États membres

Clé de répartition

(%)

Répartition

Allemagne

15,43

3 086

Autriche

2,22

444

Belgique

2,45

490

Bulgarie

1,08

216

Chypre

0,34

69

Croatie

1,58

315

Danemark

1,73

345

Espagne

7,75

1 549

Estonie

1,63

326

Finlande

1,46

293

France

11,87

2 375

Grèce

1,61

323

Hongrie

1,53

307

Irlande

1,36

272

Italie

9,94

1 989

Lettonie

1,10

220

Lituanie

1,03

207

Luxembourg

0,74

147

Malte

0,60

121

Pays-Bas

3,66

732

Pologne

4,81

962

Portugal

3,52

704

République tchèque

2,63

525

Roumanie

3,29

657

Royaume-Uni

11,54

2 309

Slovaquie

1,60

319

Slovénie

1,03

207

Suède

2,46

491

La clé de répartition repose sur les critères suivants (1)  (2):

a)

la taille de la population (chiffres de 2014, pondération de 40 %). Ce critère rend compte de la capacité d'un État membre à absorber un certain nombre de réfugiés;

b)

le PIB total (chiffres de 2013, pondération de 40 %). Ce critère rend compte de la richesse d'un pays en valeur absolue et constitue une indication de la capacité d'une économie à absorber et à intégrer des réfugiés;

c)

le nombre moyen de demandes d'asile spontanées et le nombre de réfugiés réinstallés par million d'habitants au cours de la période 2010-2014 (pondération de 10 %). Ce critère rend compte des efforts consentis par les États membres ces dernières années;

d)

le taux de chômage (chiffres de 2014, pondération de 10 %). Ce critère rend compte de la capacité d'un État membre à intégrer des réfugiés.


(1)  Les calculs sont fondés sur les informations statistiques fournies par Eurostat (consultées le 8 avril 2015).

(2)  Les calculs des pourcentages ont été effectués à cinq décimales et arrondis à la deuxième décimale pour leur présentation dans le tableau; la répartition des personnes a été calculée sur la base des nombres complets à la cinquième décimale.


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