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CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-184/14, A c/ B

 

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 juillet 2015 (*)

 

 

«Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile et commerciale – Compétence en matière d’obligations alimentaires – Règlement (CE) n° 4/2009 – Article 3, sous c) et d) – Demande relative à une obligation alimentaire en faveur des enfants mineurs concomitante à une procédure de séparation des parents, introduite dans un État membre autre que celui où les enfants ont leur résidence habituelle»

Dans l’affaire C‑184/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décision du 25 février 2014, parvenue à la Cour le 14 avril 2014, dans la procédure

A

contre

B,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur), MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour A, par Me C. Rimini, avvocato,

–        pour B, par Me S. Callegaro, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement grec, par Mmes M. Germani et I. Kotsoni, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme F. Moro et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, sous c) et d), du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JO 2009, L 7, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A à son épouse, B, au sujet d’une demande relative à une obligation alimentaire en faveur de leurs deux enfants mineurs, introduite dans un État membre autre que celui où ces derniers ont leur résidence habituelle, concomitamment à une procédure de séparation de corps entre les parents.

 Le droit de l’Union

 La convention sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille

3        Le préambule de la convention sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille, conclue à La Haye le 23 novembre 2007 (ci-après la «convention de La Haye de 2007»), approuvée, au nom de l’Union européenne, par la décision 2011/432/UE du Conseil, du 9 juin 2011 (JO L 192, p. 39), rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants.

4        L’article 20, paragraphe 1, sous f), de cette convention prévoit:

«Une décision rendue dans un État contractant (‘l’État d’origine’) est reconnue et exécutée dans les autres États contractants si:

[...]

f)      la décision a été rendue par une autorité exerçant sa compétence sur une question relative à l’état des personnes ou à la responsabilité parentale, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité de l’une des parties.»

 La convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence juridictionnelle et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

5        L’article 5, point 2, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence juridictionnelle et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, ci-après la «convention de Bruxelles»), était libellé comme suit:

«Le défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

[...]

2)      en matière d’obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créancier d’aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une demande accessoire à une action relative à l’état des personnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d’une des parties;

[...]»

 Le règlement (CE) n° 44/2001

6        L’article 5, point 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), figure sous la section 2 de ce règlement, intitulée «Compétences spéciales». Cet article dispose:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

[...]

2)      en matière d’obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créancier d’aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une demande accessoire à une action relative à l’état des personnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d’une des parties;

[...]»

 Le règlement (CE) n° 2201/2003

7        Les considérants 5 et 12 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1), énoncent:

«(5)      En vue de garantir l’égalité de tous enfants, le présent règlement couvre toutes les décisions en matière de responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant, indépendamment de tout lien avec une procédure matrimoniale.

[...]

(12)      Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.»

8        L’article 1er de ce règlement, intitulé «Champ d’application», dispose:

«1.      Le présent règlement s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives:

a)      au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux;

b)      à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

[...]

3.      Le présent règlement ne s’applique pas:

[...]

e)      aux obligations alimentaires;

[...]»

9        L’article 2, point 7, dudit règlement définit la responsabilité parentale comme étant «l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant», cet ensemble de droits et d’obligations comprenant «notamment le droit de garde et le droit de visite».

10      L’article 8, paragraphe 1, du même règlement prévoit:

«Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.»

 Le règlement n° 4/2009

11      Selon les considérants 1 à 3 du règlement n° 4/2009, celui-ci ainsi que, notamment, les règlements nos 44/2001 et 2201/2003 tendent à l’adoption de mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant des incidences transfrontalières et visant, entre autres, à favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence.

12      Le considérant 8 du règlement n° 4/2009 rappelle qu’il convient de tenir compte, dans le cadre de ce règlement, entre autres, de la convention de La Haye de 2007.

13      Le considérant 15 de ce règlement est libellé comme suit:

«Afin de préserver les intérêts des créanciers d’aliments et de favoriser une bonne administration de la justice au sein de l’Union européenne, les règles relatives à la compétence telles qu’elles résultent du règlement [n° 44/2001] devraient être adaptées. [...]»

14      L’article 3 dudit règlement, figurant sous le chapitre II intitulé «Compétence», dispose:

«Sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres:

a)      la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou

b)      la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou

c)      la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à l’état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties, ou

d)      la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      A et son épouse, B, ainsi que leurs deux enfants mineurs sont ressortissants italiens et vivent de manière permanente à Londres (Royaume-Uni). Les enfants sont nés dans cette ville respectivement le 4 mars 2004 et le 5 août 2008.

16      Par requête du 28 février 2012, A a introduit, devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie), une action contre B, visant à ce que soit ordonnée leur séparation aux torts de cette dernière et à ce que la garde de leurs enfants mineurs soit partagée entre eux, avec fixation du lieu de leur résidence auprès de leur mère, A se proposant de verser, à titre de contribution aux frais d’éducation et de soins des enfants, la somme mensuelle de 4 000 euros.

17      B a introduit une demande reconventionnelle visant également à entendre prononcer la séparation d’avec son mari, aux torts de ce dernier, et l’octroi d’une pension mensuelle de 18 700 euros, en excipant toutefois de l’incompétence du juge italien pour ce qui a trait au régime du droit de garde, du lieu de résidence, du droit d’entretenir des relations et des contacts et de la contribution à l’entretien des enfants, dans la mesure où c’est, selon B, une juridiction britannique qui devrait être reconnue compétente à ces égards, sur la base du règlement n° 2201/2003, dès lors que A et B ont toujours vécu à Londres où sont nés et résident leurs enfants mineurs.

18      Par une ordonnance du 16 novembre 2012, le Tribunale di Milano s’est déclaré compétent pour connaître de la demande relative à la séparation de corps, sur la base de l’article 3 du règlement n° 2201/2003.

19      En revanche, ce tribunal a déduit de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 que seuls les tribunaux britanniques étaient compétents pour connaître des questions liées à la «responsabilité parentale», au sens de l’article 2, point 7, de ce règlement, compte tenu du fait que les enfants résident habituellement à Londres.

20      Par ailleurs, A a introduit un recours visant à définir les modalités de l’exercice de la responsabilité parentale devant la High Court of Justice (England & Wales), Family Divison [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la famille, Royaume-Uni], à Londres.

21      S’agissant des pensions alimentaires en faveur, d’une part, de B et, d’autre part, des enfants mineurs, le Tribunale di Milano a également procédé à une distinction. Ainsi, il s’est considéré compétent pour connaître de la demande de pension en faveur de B au motif qu’il s’agit d’une question accessoire à une action relative à l’état des personnes, voire à la demande de séparation de corps, au sens de l’article 3, sous c), du règlement n° 4/2009. Sur la base de l’article 3, sous d), du même règlement, cette juridiction a, en revanche, décidé qu’elle n’était pas compétente pour trancher la demande relative à l’entretien des enfants mineurs, celle-ci étant accessoire à l’action relative à la responsabilité parentale. La compétence pour trancher cette dernière demande reviendrait ainsi également aux juridictions britanniques.

22      A a formé un pourvoi devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) contre cette décision du Tribunale di Milano, en se fondant sur un moyen unique, pris de la méconnaissance de l’article 3, sous c), du règlement n° 4/2009, en ce que les tribunaux italiens seraient compétents également pour les questions relatives aux obligations alimentaires à l’égard des enfants.

23      Selon A, l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement n° 4/2009 retenue par le Tribunale di Milano et qui fondait la décision de ce dernier de se déclarer incompétent pour connaître de la demande relative aux obligations alimentaires à l’égard des enfants est erronée, dans la mesure où une telle exclusion de compétence ne peut être déduite du libellé de cette disposition.

24      Selon la juridiction de renvoi, la décision sur le pourvoi nécessite de déterminer la manière dont les dispositions de l’article 8 du règlement n° 2201/2003 et de l’article 3 du règlement n° 4/2009 s’articulent entre elles, à la lumière, en particulier, des conditions énumérées à l’article 3, sous c) et d), de ce dernier règlement.

25      Dans ces conditions, la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Une demande relative à l’entretien des enfants, soulevée dans le cadre d’une procédure de séparation de corps des époux, peut-elle, en ce qu’elle est accessoire à ce recours, être tranchée tant par le juge chargé de la procédure de séparation que par celui devant lequel est pendante la procédure relative à la responsabilité parentale, sur le fondement du critère de la prévention, ou bien doit-elle obligatoirement être tranchée par ce dernier juge, dans la mesure où les deux critères distincts visés respectivement aux points c) et d) de l’article 3 du règlement n° 4/2009 sont alternatifs, en ce sens que l’un exclut nécessairement l’autre?»

 Sur la question préjudicielle

26      Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’une action portant sur la séparation ou la rupture du lien conjugal entre les parents d’un enfant mineur et qu’une juridiction d’un autre État membre est saisie d’une action en responsabilité parentale concernant cet enfant, une demande relative à une obligation alimentaire concernant ce même enfant peut être tranchée tant par le juge compétent pour connaître de l’action portant sur la séparation ou la rupture du lien conjugal, en tant que demande accessoire à l’action relative à l’état de personnes, au sens de l’article 3, sous c), de ce règlement, que par le juge compétent pour connaître de l’action relative à la responsabilité parentale, en tant que demande accessoire à celle-ci, au sens de l’article 3, sous d), dudit règlement, ou bien si une telle demande doit nécessairement être tranchée par ce dernier juge.

27      En d’autres termes, cette juridiction vise à déterminer si les critères d’attribution de compétence énoncés à l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009, compte tenu de la conjonction «ou» y figurant, sont exclusifs l’un de l’autre ou si cette conjonction signifie que les juges respectivement compétents pour connaître de l’action en séparation de corps et de l’action relative à la responsabilité parentale peuvent être l’un comme l’autre valablement saisis d’une demande relative à l’obligation alimentaire concernant des enfants mineurs.

28      À cet égard, il convient de remarquer qu’une telle question ne se pose toutefois que si une demande relative à une obligation alimentaire concernant un enfant mineur est considérée comme accessoire tant à une «action relative à l’état des personnes» qu’à une «action relative à la responsabilité parentale», au sens de ces dispositions, et non uniquement à l’une de ces actions.

29      Dès lors, il y a lieu de déterminer la portée de la notion de «demande accessoire» figurant à l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009.

30      À cet égard, il convient de relever que, si ces dispositions permettent expressément à la juridiction nationale de se déclarer compétente pour connaître d’une demande portant sur une obligation alimentaire dans un contexte transfrontalier lorsque la loi du for lui reconnaît une compétence pour connaître respectivement d’actions relatives à l’état des personnes ou d’actions relatives à la responsabilité parentale, la portée de la notion de «demande accessoire», visée à ces dispositions, ne saurait être toutefois laissée à l’appréciation des juridictions de chaque État membre en fonction de leur droit national.

31      En effet, il découle de l’exigence d’application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009 ne renvoie pas au droit des États membres pour la détermination du sens et de la portée de cette notion, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 37).

32      Cette interprétation doit être recherchée en tenant compte du libellé de la disposition en cause ainsi que du contexte de celle-ci et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt A, C‑523/07, EU:C:2009:225, point 34 et jurisprudence citée).

33      Sur la base d’une interprétation littérale des dispositions de l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009, il y a lieu de constater que celles-ci distinguent les actions relatives à l’état des personnes des actions relatives à la responsabilité parentale.

34      Lorsque les critères d&rsrsquo;attribution de compétence y prévus sont alternatifs, dans la mesure où ils sont liés par la conjonction «ou», ce libellé ne permet toutefois pas d’établir sans équivoque si le caractère alternatif de ceux-ci implique que les demandes relatives aux obligations alimentaires pour un enfant ne sont accessoires qu’à une action relative à la responsabilité parentale, ou bien si lesdites demandes peuvent être réputées accessoires également à une action relative à l’état des personnes.

35      En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition, il convient de constater que la distinction qui ressort de son libellé fait écho à celle opérée par les dispositions du règlement n° 2201/2003.

36      Ce dernier règlement qui énonce, à son considérant 5, couvrir toutes les décisions en matière de responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant, indépendamment de tout lien avec une procédure matrimoniale, et ce en vue de garantir l’égalité de tous les enfants, opère une distinction expresse entre le contentieux relatif au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage, d’une part, et celui concernant l’attribution, l’exercice, la délégation, le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale, d’autre part.

37      En effet, la compétence juridictionnelle pour le divorce, la séparation de corps et l’annulation du mariage est répartie, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2201/2003, sur la base de critères qui tiennent compte principalement de la résidence actuelle ou ancienne des époux ou de l’un d’entre eux, alors qu’en matière de responsabilité parentale, les règles de compétence sont, selon le considérant 12 dudit règlement, conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier, du critère de proximité.

38      Les dispositions de l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009 distinguent, s’agissant des critères d’attribution de compétence qui y sont énoncés, les procédures judiciaires selon qu’elles concernent les droits et les obligations entre les époux ou les droits et les obligations des parents à l’égard de l’un ou de plusieurs de leurs enfants.

39      Or, une demande relative aux obligations alimentaires concernant des enfants mineurs se rapporte à ce dernier type de procédure, dès lors qu’elle concerne la fixation des obligations alimentaires qui incombent à l’un ou l’autre des parents à l’égard de leurs enfants afin d’assurer les frais d’entretien et d’éducation de ces derniers.

40      Par sa nature, une demande relative aux obligations alimentaires concernant les enfants mineurs est ainsi intrinsèquement liée à l’action en responsabilité parentale.

41      En ce qui concerne les objectifs poursuivis par le règlement n° 4/2009, il convient de rappeler que, selon son considérant 15, ledit règlement vise à préserver les intérêts des créanciers d’aliments et à favoriser une bonne administration de la justice au sein de l’Union.

42      S’agissant de l’objectif relatif à la bonne administration de la justice, il y a lieu d’observer qu’une demande portant sur les obligations alimentaires en faveur des enfants mineurs n’est pas nécessairement liée à une action relative au divorce ou à la séparation. En outre, une telle procédure ne donne pas nécessairement lieu à la fixation d’obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur.

43      En revanche, le juge compétent pour connaître des actions relatives à la responsabilité parentale, telle que définie à l’article 2, point 7, du règlement n° 2201/2003, est le mieux placé pour apprécier in concreto les enjeux de la demande relative à une obligation alimentaire en faveur d’un enfant, fixer le montant de ladite obligation destinée à contribuer aux frais d’entretien et d’éducation de l’enfant, en l’adaptant, selon le mode de garde établi, conjoint ou exclusif, selon le droit de visite, la durée de ce droit et les autres éléments de nature factuelle relatifs à l’exercice de la responsabilité parentale portés devant lui.

44      L’intérêt du créancier d’aliments est ainsi également garanti, en ce que, d’une part, l’enfant mineur pourra obtenir facilement une décision relative à sa créance alimentaire par le juge ayant la meilleure connaissance des éléments essentiels pour l’appréciation de sa demande.

45      D’autre part, le juge compétent pour connaître de la demande relative à une telle créance alimentaire est désigné en application des règles de compétence du droit de l’Union prévues par le règlement n° 2201/2003 aux fins de déterminer le juge pouvant être valablement saisi des actions relatives à la responsabilité parentale, lesquelles sont conçues, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.

46      Il convient en effet de souligner la nécessité de prendre en compte, dans l’interprétation des règles de compétence prévues à l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009, l’intérêt supérieur de l’enfant. Il en va d’autant plus ainsi que la mise en œuvre du règlement n° 4/2009 doit s’effectuer conformément à l’article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel, dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

47      Il résulte, dès lors, du libellé, des objectifs poursuivis et du contexte dans lequel l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009 s’inscrit que, lorsque deux juridictions sont saisies, l’une d’une action relative à la séparation ou à la rupture du lien conjugal entre des époux parents d’enfants mineurs et l’autre d’une action portant sur la responsabilité parentale de ces enfants, une demande d’obligation alimentaire en faveur de ces derniers ne peut pas être considérée accessoire tant à l’action relative à la responsabilité parentale, au sens de l’article 3, sous d), de ce règlement, que à l’action relative à l’état des personnes, au sens de l’article 3, sous c), dudit règlement. Elle ne peut être considérée accessoire qu’à l’action en matière de responsabilité parentale.

48      Par conséquent, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, sous c) et d), du règlement n° 4/2009 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’une action portant sur la séparation ou la rupture du lien conjugal entre les parents d’un enfant mineur et qu’une juridiction d’un autre État membre est saisie d’une action en responsabilité parentale concernant cet enfant, une demande relative à une obligation alimentaire concernant ce même enfant est uniquement accessoire à l’action relative à la responsabilité parentale, au sens de l’article 3, sous d), de ce règlement.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 3, sous c) et d), du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’une action portant sur la séparation ou la rupture du lien conjugal entre les parents d’un enfant mineur et qu’une juridiction d’un autre État membre est saisie d’une action en responsabilité parentale concernant cet enfant, une demande relative à une obligation alimentaire concernant ce même enfant est uniquement accessoire à l’action relative à la responsabilité parentale, au sens de l’article 3, sous d), de ce règlement.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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