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Rapport de la Commission européenne du 7 janvier 2005 sur la transposition juridique de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête - COM/2004/0858 final

 

Rapport de la Commission européenne du 7 janvier 2005 sur la transposition juridique de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête

 

COM/2004/0858 final

 

1. INTRODUCTION

 

Le développement de la criminalité transfrontalière et l’extension du terrorisme ont poussé les États membres à adopter un instrument législatif fixant des règles précises et harmonisées pour la création et le fonctionnement d’équipes communes d’enquête. Des équipes informelles étaient déjà opérationnelles dans la pratique, mais aucune législation commune ne régissait leur action.

Une première étape dans cette direction a été la convention de 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale[1] (ci-après «la convention de 2000»), qui traite des équipes communes d’enquête (article 13) et prévoit également plusieurs autres moyens de combattre la criminalité transfrontalière, tels que l’échange spontané d’informations, les enquêtes discrètes, les livraisons surveillées, etc.

Devant le retard pris par la ratification de la convention, le Conseil a arrêté, le 13 juin 2002, une décision-cadre sur les équipes communes d’enquête[2] (ci-après «la décision-cadre»), afin de renforcer sans attendre l'action de ces équipes.

La décision-cadre cessera de produire ses effets dès l’entrée en vigueur de la convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale dans tous les États membres (article 5).

En vertu de l’article 4 de la décision-cadre, les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de ladite décision avant le 1er janvier 2003.

Le 28 novembre 2002, le Conseil a adopté un protocole[3] modifiant la convention Europol afin de permettre la participation de cet organisme à des équipes communes d’enquête.

Le 8 mai 2003, le Conseil a adopté une recommandation relative à un modèle d’accord pour la création d’une équipe commune d’enquête[4].

Au lendemain des attaques terroristes du 11 mars 2004 à Madrid, le Conseil européen, dans sa déclaration du 25 mars[5], a invité les États membres à adopter toute mesure encore nécessaire à la mise en oeuvre de la décision-cadre avant la fin juin 2004 et à veiller à ce qu’Europol et Eurojust participent, dans la mesure du possible, aux travaux des équipes communes d’enquête.

 

2. OBJECTIF DU RAPPORT ET MÉTHODE D’ÉVALUATION

 

Les décisions-cadre lient les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales le choix de la forme et des moyens. Elles n’ont pas d’effet direct.

La Commission n’ayant pas compétence, dans le cadre du troisième pilier, pour engager une procédure d'infraction contre un État membre, le présent rapport consiste uniquement en une analyse factuelle des mesures de transposition prises.

Dans sa lettre du 5 février 2003, la Commission a rappelé aux États membres les obligations qui leur incombent. À l’époque, seul un État membre (Royaume-Uni) avait déjà informé la Commission des mesures prises pour mettre en oeuvre la décision-cadre. Le 31 décembre 2003, ils étaient neuf (Allemagne, Espagne, Italie, Luxembourg, Autriche, Portugal, Finlande, Suède et Royaume-Uni) à s’être acquittés de cette tâche. En avril 2004, un État membre supplémentaire (France) a transmis les informations requises, et un autre (Autriche) a indiqué à la Commission que de nouvelles dispositions législatives concernant les équipes communes d’enquête devaient entrer en vigueur. En mai 2004, la Commission a pris à nouveau contact avec les États membres qui n’avaient communiqué aucune donnée (Belgique, Danemark, Grèce, Irlande et Pays-Bas) et a reçu la réponse de trois d’entre eux (Belgique, Grèce et Pays-Bas).

Dans la perspective de l’élargissement, la Commission a demandé le 13 avril 2004 aux futurs États membres de fournir eux aussi des informations sur la mise en oeuvre de la décision-cadre. Six d’entre eux ont répondu (Chypre, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte et Slovaquie).

Bien que le délai de présentation du rapport au Conseil ait été fixé au 1er juillet 2004, les données supplémentaires fournies jusqu’au 15 août 2004 ont été prises en compte afin que l’évaluation porte sur le plus grand nombre d'États membres possible.

Seuls trois États membres (Danemark, Lettonie et Finlande) avaient adopté les mesures de transposition avant la date limite prévue à l’article 4 de la décision-cadre, et un seulement (Royaume-Uni) – qui a également arrêté une partie des dispositions requises avant la date limite – a transmis à temps les informations pertinentes à la Commission.

Au total, 14 États membres ont communiqué à la Commission les dispositions qu’ils avaient prises (Danemark, Allemagne, Espagne, France, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Finlande, Suède et Royaume-Uni), cinq autres n'ont transmis aucune information (Estonie, Irlande, Pologne, République tchèque, Slovénie), quatre ont envoyé le texte d'un projet de loi (Belgique, Italie, Chypre et Slovénie) et deux ont informé la Commission qu’un tel projet était en cours (Grèce et Luxembourg).

La qualité des informations nationales reçues par la Commission se répercute inévitablement sur la valeur et l’exactitude du présent rapport. La Commission a rencontré beaucoup de difficultés pour rassembler les informations pertinentes. De plus, les dispositions nationales communiquées étaient incomplètes et faisaient référence à d’autres textes qui n’ont pas été fournis à la Commission. L’analyse de l’information recueillie a mis en évidence le fait qu'il peut être utile, même lorsque des mesures législatives ne sont pas indispensables, d’émettre des lignes directrices ou des circulaires pour clarifier certaines questions essentielles.

Des problèmes ont également surgi, lors de l’analyse, du fait que la décision-cadre a emprunté directement ses articles 13, 15 et 16 à la convention de 2000. Or, les dispositions concernant les équipes communes d’enquête, dans ce texte, avaient été conçues comme faisant partie d’un système complexe incluant plusieurs instruments relatifs à la coopération dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. La décision-cadre concernant les équipes communes d’enquête ne reproduisant pas l’intégralité de la convention de 2000, ceci pourrait entraîner, durant cette période de transition précédant l’entrée en vigueur de ladite convention, un certain flou sur des aspects tels que l’autorité compétente pour créer les équipes, ou lié au fait que la décision-cadre ne couvre pas certains types d’enquêtes (comme les enquêtes discrètes ou les livraisons surveillées, qui peuvent être utilement réalisées par ces équipes).

A cet égard, il faut noter que huit États membres (Danemark, Estonie, Espagne, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Finlande) ont à présent ratifié la convention de 2000. Certains d’entre eux ont également adopté une législation spécifique mettant en oeuvre la décision-cadre (Espagne, Lettonie, Portugal, Finlande), alors que d’autres ont transposé cette décision au moyen de la loi ratifiant la convention de 2000 (Danemark et Pays-Bas). Un État membre (Lituanie) n’a transmis que le texte de ses dispositions nationales spécifiques, sans joindre la loi de ratification, et un autre (Estonie) n'a fourni aucune information sur la transposition de la décision-cadre, bien qu’il ait ratifié la convention de 2000.

 

3. CONCLUSIONS

 

Afin d’évaluer la mise en oeuvre de la décision-cadre, il convient de rappeler que les États membres ne sont tenus d’adopter de nouvelles dispositions législatives qu’en tant qu’elles sont nécessaires à la transposition de cette décision. Par conséquent, si le système judiciaire, pris dans son ensemble, contient déjà des règles juridiquement contraignantes assurant la pleine application de ladite décision, aucune disposition supplémentaire n’est nécessaire. En outre, il n’est pas obligatoire que la législation de transposition soit formulée de la même manière que la décision-cadre, aussi longtemps que le résultat final garantit la pleine application des règles incluses dans cette dernière et crée une situation juridique suffisamment claire et précise.

D’une manière générale, la mise en oeuvre de la décision-cadre a requis l’adoption d’une nouvelle législation ou du moins la modification de certaines dispositions internes dans la plupart des États membres.

Certains États membres ont transposé la décision-cadre dans des dispositions internes qui ont plus ou moins le même contenu (Espagne, Portugal), alors que d’autres ont modifié des dispositions existantes ou adopté une législation fixant de nouvelles règles (Danemark, France, Lettonie, Hongrie, Autriche, Finlande, Suède).

Un État membre (Royaume-Uni) a déclaré que seules certaines dispositions avaient dû faire l’objet d’un texte de loi, tandis que les autres avaient été transposées au moyen d'une circulaire. Cette dernière n’étant pas juridiquement contraignante, les dispositions en question ont été considérées comme non conformes à la décision-cadre.

Trois États membres (Allemagne, Lituanie et Malte) ont estimé qu'aucune législation spécifique n’était nécessaire pour mettre en oeuvre la décision-cadre.

Dans un État membre (Pays-Bas), la législation en vigueur permet la création d’équipes communes d’enquête «dans la mesure où un traité ou une convention le prévoit». Étant donné que la décision-cadre ne constitue ni un traité, ni une convention, les dispositions correspondantes ne sont pas conformes à cette décision.

Les conclusions qui suivent évaluent la mise en oeuvre de chaque disposition de la décision-cadre, prise une à une. On trouvera en annexe 1 des explications supplémentaires ainsi qu’un examen détaillé des législations nationales pertinentes.

En ce qui concerne l' article 1 er , paragraphe 1 , qui constitue la partie la plus importante de la décision-cadre, il suffit que le cadre juridique général permette la création d’équipes communes d’enquête en tant que groupes de travail fonctionnant sur une base transnationale pour un temps limité et suivant des objectifs précis. Presque tous les États membres possédant une législation dans ce domaine ont mis en oeuvre cette disposition (Espagne, France, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Autriche, Portugal, Finlande, Suède). Dans plusieurs États membres, les textes en vigueur font référence à un accord (Espagne, Lettonie, Hongrie, Autriche, Portugal, Finlande et Suède), qui, dans certains cas (Autriche), est décrit comme étant le modèle d’accord adopté par le Conseil, alors que dans d’autres (France, Lituanie), ce terme renvoie à une convention générale entre les autorités compétentes.

Quant à la proposition relative à la composition de l’équipe, contenue dans l’ article 1 er , paragraphe 2 , il faut noter que la législation en vigueur prévoit implicitement la composition de l’équipe lorsqu’elle renvoie à un accord ou à un autre type d’arrangement entre les autorités compétentes, même si elle ne fait pas référence au modèle d’accord adopté par le Conseil.

En ce qui concerne l’ article 1 er , paragraphe 3 , relatif à la direction de l'équipe, au droit applicable et aux modalités organisationnelles, il suffit que chaque État membre indique les règles applicables sur son territoire sans préciser celles qui s’appliquent dans les autres États membres. Néanmoins, cet article n’a été pleinement transposé que par deux États membres (Espagne et Autriche). Quatre États membres n’ont mis en oeuvre que certaines dispositions, telles que les règles générales relatives aux «pouvoirs de surveillance» accordés au responsable de l’équipe ou au droit applicable (France), ou les dispositions concernant le responsable de l’équipe et le droit applicable, sans référence aux modalités d’organisation (Lettonie, Hongrie et Finlande). Les autres États membres (Danemark, Allemagne, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède, Royaume-Uni) n’ont pas adopté de dispositions dans ce domaine.

Pour ce qui est de l’ article 1 er , paragraphe 4 , il convient de noter que, même si aucune disposition ne donne de définition des «membres détachés», il ressort clairement du contexte général, lorsque la législation de transposition fait référence à des personnes détachées auprès de l’équipe, qu'elle renvoie à des membres de l'équipe commune d’enquête provenant d'États membres autres que celui sur le territoire duquel l’équipe intervient.

Un des aspects les plus importants de la décision-cadre concerne les pouvoirs accordés aux membres détachés ( article 1 er , paragraphes 5 et 6 ). La législation de transposition diffère considérablement sur ce point d’un État membre à l’autre. Alors que dans certains d’entre eux, les activités qui peuvent être confiées aux membres détachés sont énumérées et mentionnées clairement (France, Malte et Finlande), dans d’autres, la disposition en question est très générale (Lituanie) ou bien fait référence à l’accord requis pour créer l’équipe (Espagne), à d'autres formes d’approbation par l’autorité compétente (Allemagne) ou encore au droit national (Autriche). Enfin, dans certains États membres, c’est au responsable de l’équipe qu’il incombe de décider des pouvoirs des membres détachés (Lettonie et Portugal).

L’ article 1 er , paragraphe 7, traite des cas dans lesquels l’équipe a besoin que des mesures d'enquête soient prises dans un des États membres qui l'ont créée, l’objectif étant d'éviter qu’elle ne doive demander une commission rogatoire. Seuls trois pays (Espagne, Finlande, Suède) se sont conformés à cette disposition. Un État membre (Royaume-Uni) a limité les mesures d’enquête aux mandats de perquisition et injonctions de produire, tandis que la majeure partie des législations nationales n’abordent pas ce sujet (Danemark, Allemagne, France, Lituanie, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Autriche, Portugal). Un État membre (Lettonie) a adopté des dispositions ambiguës qui ne semblent pas conformes à l’article 1er, paragraphe 7.

L ’article 1 er , paragraphe 8, relatif à l'aide nécessaire d'un État membre autre que ceux qui prennent part aux activités de l’équipe, ou d'un État tiers, a été pleinement transposé par deux États membres (Espagne et Portugal), et un autre (Lettonie) a adopté sur ce point des dispositions peu claires. Les autres États membres, d’après les informations recueillies, ne possèdent pas de disposition pertinente en la matière.

Les dispositions concernant l’information ( article 1 er , paragraphe 9 ) ont été directement mises en oeuvre par trois États membres (Lettonie, Portugal et Suède). Par ailleurs, dans plusieurs cas, la possibilité qu’ont les membres détachés de fournir les informations disponibles dans l’État membre qui les a détachés peut être déduite d’une interprétation générale de la législation (Espagne, Hongrie, Autriche, Finlande). La législation des autres États membres ne contient aucune disposition à ce sujet.

Concernant l’utilisation de l’information recueillie ( article 1 er , paragraphe 10 ), il ressort que trois États membres se sont totalement conformés à la disposition de la décision-cadre (Espagne, Portugal, Suède), tandis que deux l’ont mise en oeuvre partiellement (Autriche et Finlande). Un État membre a adopté à cet égard des dispositions qui ne sont pas compatibles avec la décision-cadre (Lettonie).

Pour ce qui est de l' article 1 er , paragraphe 11 (qui stipule que la décision-cadre ne porte pas atteinte à d'autres dispositions ou arrangements existants relatifs à la création ou à l'intervention d'équipes communes d'enquête), aucun État membre n’a communiqué de disposition spécifique. Toutefois, dans la mesure où la législation de transposition ne contient pas de disposition contraire, il convient de considérer que tous les États membres sont en conformité sur ce point avec la décision-cadre.

L’option qui consiste à permettre à des personnes autres que les représentants des États membres de prendre part aux activités de l’équipe ( article 1 er , paragraphe 12 ) n’a été reprise que par six pays (Espagne, Lettonie, Hongrie, Autriche, Portugal, Finlande). Dans un État membre, la législation en vigueur fait référence aux « cas prévus par un traité international » (Lituanie). Les autres pays n’ont pas transposé cette disposition.

En ce qui concerne l’ article 2 (responsabilité pénale), six États membres ont adopté des dispositions en vue de sa mise en oeuvre (Danemark, Espagne, Lituanie, Malte, Autriche, Royaume-Uni), et un autre l’a partiellement transposé (Allemagne). Les autres pays n’ont pris aucune mesure à cet effet.

L’ article 3 (responsabilité civile) a été transposé entièrement dans trois États membres (Espagne, Autriche, Portugal) et partiellement dans cinq autres (Danemark, Lituanie, Finlande, Suède, Royaume-Uni). Aucune disposition n’a été adoptée dans les autres pays.

En conclusion, seul un État membre a adopté des mesures de transposition pleinement conformes à la décision-cadre (Espagne).

Cependant, il faut souligner que la mise en oeuvre de la décision-cadre doit être jugée satisfaisante dès lors que la législation en vigueur prévoit la création d’équipes communes d’enquête au moyen d’un accord (voir les commentaires concernant l’article 1er, paragraphe 1).

Dans un rapport complémentaire, la Commission prendra en considération les données supplémentaires fournies d’ici là et mettra à jour, si nécessaire, les informations relatives aux dispositions nationales. Entre-temps, la Commission invite tous les États membres à assurer une transposition rapide et complète de la décision-cadre concernant les équipes communes d’enquête et à l’informer de toute mesure prise à cet effet.

Deux documents, présentés sous forme de documents de travail des services de la Commission, sont annexés au présent rapport: le premier évalue, sur la base des informations recueillies par la Commission, la législation adoptée ou devant être adoptée dans chaque État membre en rapport avec chaque disposition de la décision-cadre, tandis que le second présente un tableau détaillant la transposition de chaque article de la décision-cadre dans les dispositions nationales.

 

[1] Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, JO C 197 du 12.7.2000, p. 1.

[2] Décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative aux équipes communes d'enquête,JO L 162 du 20.6.2002, p. 1.

[3] Acte du Conseil du 28 novembre 2002 établissant un protocole modifiant la convention portant création d’un Office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d’Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents,JO C 312 du 16.12.2002, p. 1.

[4] Recommandation du Conseil du 8 mai 2003 relative à un modèle d’ accord pour la création d’une équipe commune d’enquête (JIT), JO C 121 du 23.5.2003, p. 1.

[5] Document du Conseil 7906/04 JAI, 100.

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